Un texte de Michel Badia
Cette sortie photo « Animal+ », c’était une double première si je puis dire. Pour moi : le lancement du groupe bien sûr, et aussi quelque chose de beaucoup plus personnel. Je venais de me faire opérer de la cataracte (2 ème œil) et j’allais donc tester pour la première fois ce nouvel œil. J’avais une énorme appréhension ce matin-là, au Parc Phoenix. Je n’en avais rien laissé paraître je crois, mais avant-hier, au soir de mon opération, j’étais pas mal inquiet.
Comme ça s’était bien passé pour le premier, l’œil droit, le moins déréglé, je n’avais pourtant aucune appréhension en arrivant à l’hôpital. Je n’avais pas eu le moindre mal, même pas de nausées. Et maintenant je connaissais la procédure, les intervenants, la clinique, je connaissais tout. Je pouvais me laisser aller sur le lit, me détendre en confiance. Et j’attendais la perfusion : l’anesthésie allait m’envahir comme un brouillard de plus en plus dense.
Je me souvenais bien… que je ne m’étais pas souvenu de grand-chose la fois précédente, même pas des sensations au moment de l’intervention. Je n’avais rien vu, rien senti !! Bon c’est vrai aussi que ma mémoire, tiens ils auraient pu la réparer aussi !
Un changement quand même cette fois, je voyais flou mais je devinais bien les couleurs : celles verdâtres des vêtements, le blanc des gants qui s’approchaient en même temps que les voix ; les voix ? oui, j’entendais les échanges entre le chirurgien et son assistante !!!
J’ai même été très surpris de comprendre
« On y va, désinfecte encore une fois ».
C’était très désagréable, j’avais envie de toucher mon œil, d’enlever la paille, l’escarbille, le moucheron qui s’y était sûrement aventuré. Comment c’était possible ? Je rêvais ?? Ou bien ils avaient raté l’anesthésie ???Ils auraient pu rater l’anesthésie ???Non…
« Prépare la lentille, je coupe »
AIE AIE Ce n’est pas ce cri là que j’ai produit, c’était plutôt un hurlement inarticulé, la douleur un truc de fou, et en même temps mon corps s’est tendu comme un arc. La tête, elle, était bien sanglée, elle ne pouvait pratiquement pas bouger, tellement bien maintenue. Pratiquement ça veut dire qu’elle a bougé, comme un chien qui s’ébroue, enfin pas autant bien sûr, mais
«-Merde, c’est pas vrai, où elle est ? Elle a giclé,… le con… Cherche-la vite,
-mais elle est où ?
-j’en sais rien, je lui fais une piqûre qu’il arrête de tressauter,
-elle doit pas être loin, dans les draps, c’est pratiquement invisible ce truc...
-grouille… »
***************
Je me suis réveillé, j’ai cru que j’avais fait un cauchemar. Evidemment, j’avais un bandeau et comme l’autre œil avait été corrigé seulement pour voir de loin, je ne voyais que du flou. Beaucoup de flou, flou de mise au point ; classique ? ah ah. J’ai fini par comprendre que ce n’était pas rêvé. Le brouhaha s’est dissipé, une voix a pris place :
« Monsieur Badia- il ne m’appelait plus Michel..- tout va bien. Finalement tout s’est bien passé. Désolé pour les émotions, ça ne m’était jamais arrivé après plus de 100 000 interventions. Il va falloir revenir nous voir quand même-. Oui je vous-il me vouvoyait…-je vous ai mis un implant provisoire…l’autre était souillé quand on l’a retrouvé, irrécupérable. Et comme chacun est du sur mesure, vous comprenez, on n’a pas de stock !! Vous avez de la chance malgré tout ça. Sinon vous auriez dû garder un bandeau étanche jusqu’à ce que l’on reçoive le nouvel implant. Oui de la chance: j’avais sous la main, j’espère que ça vous fera plaisir vu ce que vous m’avez raconté sur vos activités préférées, j’ai trouvé ………un tout tout petit téléobjectif ………..
Je crois bien que vous allez regarder mes photos d’un autre œil maintenant…